Bettina ¤ Stay calm. It can probably smell fear.

480ème Automne, c'est au cours de cette période que tu as perdue deux de tes frères et ta sœur, tandis que tu luttais toi-même contre cette étrange maladie qui a foudroyée et décimée ta famille. Mauvais sort, on dit certaines langues au village, forcément l'œuvre d'un sorcier. Idée relayée par ton père, lui toujours si méfiant à leur encontre, si prompt aux conflits. Et ces mêmes langues ont murmuré que tu ne survivrais pas. Toi, la plus chétive de la fratrie. Toi, petite Bettina, frêle comme un rameau. Pourtant, c'est bien toi qui te tient en face de ces trois sépulcres de terre. La main de ton aîné, le robuste Anton, serrant la tienne avec fermeté. Vous, les miraculés. Car c'est comme ça que vous appelle les vieilles femmes en posant sur vous des regards curieux. Alors que les autres, Sybille, Ewald et Isaak n'ont pas eu cette chance qui t'a été accordée. Malgré ton jeune âge, c'est quelque chose dont tu as pleinement conscience. C'est pourquoi, les yeux humides de larmes mais le cœur résolu, tu leur fais une promesse. Celle de vivre. Vivre chaque instant comme si c'était le dernier.

488ème Hiver ; Concours de patinage artistique. Le jour que tu attends le plus dans l'année. Non pas que tu sois particulièrement à l'aise sur des patins. A défaut de récompense toi tu collectionnes plutôt les jolies chutes. Mais tu en rigoles. Les bleus, les genoux écorchés et le bout des doigts gelés, tu t'en moques et les oublies d'un haussement d'épaules. Toi ce que tu apprécies c'est toutes les festivités. Le sourire dans le regard des gens. Le vendeur de marron au coin d'la rue. L'arôme du chocolat chaud qui titille tes narines. Le banquet magnifique sur la plage. La gourmande que tu es en est ravie, c'est l'occasion pour toi de goûter à tous les divins plats que les cuisiniers du palais concoctent. Tu ne manquerais ce jour pour rien au monde.

498ème Été. Niklaus a fait sa demande ! Ce beau luthier que tu as rencontré l'année passée, pendant le bal des Papillons, vient officiellement de demander ta main à ton père. Tu es la jeune femme la plus chanceuse du royaume. Tu rayonnes littéralement de bonheur et cela se lit sur ton visage. On dit que tu devrais t'interroger pourtant car il cultive le mystère autour de sa personne. Qu'on ne sais pas grand-chose de sa famille, ni de son passé. Il est même réservé sur le sujet. Un peu taciturne parfois. Mais c'est ce qui t'as séduite, ne dit-on pas aussi que les opposés s'attirent ? Et puis, il suffit de le voir à l'ouvrage, passionné par son travail, sculptant le bois afin de le faire chanter pour s'apercevoir qu'il n'est pas méchant homme. Tu as confiance en lui.

500ème Printemps ; Purge. Ton regard effrayé s'immobilise devant cet homme que tu aimes. Ton fiancé... ton fiancé est un sorcier. Tu ne peux nier la vérité même si tu meurs d'envie de te réfugier derrière le déni. Car c'est bien lui qui vient d'attaquer une garnison. Tu l'as vu de tes propres yeux. Tu étais là. Tu as vu son visage transfiguré par l'effort et la rage. Tu as vu les racines sortirent de terre et renverser les soldats de la milice. Tu as vu deux d'entre eux mourir, écrasés sous la masse végétale. Tu n'oublieras jamais la satisfaction dans son regard alors qu'ils agonisaient. Ni ce goût de trahison dans ta bouche et cette douleur que tu as ressentit quand ton cœur s'est brisé. Il a disparu ce soir-là. Pourchassé pour ses crimes, il s'est enfuit dans la forêt. Il paraît qu'il a quitté le pays. D'autres rumeurs rapportent qu'il est à la tête d'un clan de sorcier renégat. Le lendemain de cette nuit de cauchemars, tu t'engages dans l'armée au grand désespoir de ta mère. Ton frère se moque de ta décision. Comment une femme telle que toi, petite, fluette et un brin naïve, pourrait trouver sa place au sein des soldats ? Pourtant, tu n'as jamais été aussi sûre de toi. Tu veux protéger ton pays pour que jamais ce jour ne se reproduise.

510ème Été. Huit ans. Huit ans que tu protèges Corona. Personne ne pensait que tu y arriverais et pourtant, te voilà Soldate. Il t'as fallu t'entraîner sans relâche, pendant plus de deux ans, afin que ton corps soit plus robuste. Avant d'être accepté. Puis il t'as fallu endurer les railleries de tes camarades, apprendre à manier l'épée, te faire une place au sein de cette nouvelle famille, dompter tes peurs. Alors oui tu n'es peut-être pas un modèle de régularité. Et oui, ton enthousiasme te rend parfois un peu maladroite, ton Capitaine peut en témoigner et pourtant, tu ne voudrais échanger ta place avec personne. Car tu aimes ce que tu fais : rendre le Royaume plus sûr. Il y en a eu des obstacles mais tu les as tous affrontés avec talents toujours avec ton optimisme légendaire. C'est d'ailleurs ce qui fait ta force. Sourire dans l'adversité. Même en ces temps troublés alors que la Princesse a disparue, tu gardes à l'esprit que la situation s'arrangera.