Jon Eberhard - we shall all burn together

Jon est né à Corona, dans le quartier bourgeois de la ville. Deuxième enfant (mais premier fils) d'une famille d'orfèvres, il était tout destiné à reprendre le commerce de ses parents. Ses parents l'obligèrent à passer des heures à l'atelier à apprendre toutes les ficelles du métier, un métier pour lequel il ne se passionnait pas. Il n'aimait pas rester enfermé trop longtemps dans le petit local à observer les mains agiles de son père façonner bagues et bijoux pour le palais. Heureusement pour lui, un frère ne tarda pas à venir ; qui lui, montra beaucoup plus d'attirance pour le métier, laissant Jon libre de choisir une autre voie. En effet il rêvait de devenir garde royal, il était fait pour l'action, pas pour fabriquer des bijoux... et il manquait de créativité pour ce métier, de toute façon.

La découverte de son pouvoir se fit  alors qu'il travaillait à l'atelier, à faire chauffer un morceau d'or afin de le travailler. Les flammes semblaient l'appeler et hypnotisé, il ne s'est pas rendu compte que ses mains elles aussi propageaient le feu. Son père parvint à éviter l'incendie, mais pas à récupérer le lingot d'or en entier, ce qui le discrédita à jamais à ses yeux. Jon finit par s'entraîner à l'écart afin de maîtriser son don, et y parvint au bout de plusieurs années. Son tempérament, à l'instar de l'élément qu'il maîtrisait, ne le prédestinait pas à une rigueur et à une constance totales.

Il  avait fini par rejoindre la garde royale alors qu'il atteignait se dix-huit ans, sur recommandation de ses parents et quelques cadeaux aux bonnes personnes. Le métier, même s'il fallait là aussi beaucoup de patience pour parvenir à garder son poste sans bouger, lui permettait néanmoins de se défouler à d'autres moments. Il aimait la confrontation et le combat, aimait se mesurer à d'autres et protéger ceux qui lui étaient chers. Il était très fier de son poste.

Il se prit d'affection pour son souverain et sa famille, il n'avait pas assez de qualificatifs élogieux pour les décrire. Sa dévotion était complète, il aurait donné sa vie pour eux. Ses gardes lui permettaient de croiser du beau monde et de fréquenter le gratin de Corona et il aimait ça. N'étant pas noble, c'était le seul moyen pour lui de s'approcher ces grands seigneurs. Il tomba d'ailleurs amoureux d'une noble dame du palais. Il ne pouvait bien entendu rien espérer, lui roturier, elle bien-née. Mais il pouvait au moins continuer de l'observer, et il était fier de faire partie des protecteurs, même indirects de cette dame. Au bout de longs mois de soupirs cachés, elle finit par se rendre compte de l'intérêt de Jon envers elle. Et, étonnement, elle semblait l'apprécier elle aussi. Cet amour, bien qu'interdit, éclairait ses jours et ses nuits comme rien d'autre ne pouvait le faire. Ces années de paix furent les plus belles de sa vie. Jon rêvait d'un coup d'éclat, d'une prouesse assez importante pour mériter un titre. Un jour, il y parviendrait ! En attendant, leur liaison platonique lui suffisait. Tout juste.

Tout changea le jour où il accepta la requête du médecin du roi, de l'étudier et d'étudier la magie qui coursait dans ses veines, afin d'en trouver si pas l'origine au moins d'en découvrir le fonctionnement. Il serait utile de savoir comment contrer les sorciers néfastes et dangereux, afin de les empêcher de nuire au roi. C'était son devoir en tant que garde royal de veiller à la sécurité de son souverain. Il avait accepté. Il n'aurait pas dû. Il avait passé de longues années à le regretter et le regrettait toujours. Au début, Jon supportait plutôt bien les incessantes questions des savants, et les tests qu'il lui faisaient passer. Puis, les tests commencèrent à se durcir, et on l'attacha sur une table, afin de « pallier à certains réflexes intempestifs et non désirés ». Il ne s'était pas méfié, et avait même été prêt à souffrir pour son roi. Sauf que les séances de questionnement devinrent de plus en plus longues et sévères. On lui injecta diverses potions afin de parvenir à déterminer laquelle fonctionnait le mieux pour contrer la magie. Certaines fonctionnaient mieux que d'autres, et ils affinèrent leur recette. Il avait beau leur dire que le produit faisait effet, ces médecins ne le croyaient pas sur parole, ils pensaient qu'il ne faisait pas assez d'effort pour tenter de lutter contre leur sale invention. Afin de lui soutirer plus d'efforts, ils commencèrent à le torturer pour de bon. Il en garde d'ailleurs toujours des stigmates à ce jours. Un jour, les médecins firent appel au bourreau afin de vérifier qu'il faisait bien les meilleurs des efforts pour passer outre des effets de l'anis étoilé. Le désespoir et la douleur lui firent perdre la raison. Il ne parvenait néanmoins toujours pas à contrer la potion, malgré des efforts redoublés. Quand le bourreau avait quitté la pièce, dégoûté par les médecins et leurs méthodes, Jon sut qu'il n'en ressortirait pas vivant. Il perdit le contrôle et parvint à se libérer, laissant sa magie s'échapper par toutes les pores de sa peau. La pièce où il était maintenu prisonnier se transforma en un brasier dont seul un médecin ressortit vivant mais à jamais défiguré par les flammes. Fou de douleur, de rage et de désespoir, il avait fui dans les couloirs, éliminant tous ceux qui se trouvaient sur son chemin, sans se retourner. Il s'enfuit jusque au plus profond de la forêt et s'y terra le temps que les chasseurs le perdent.

Il finit par se dénicher une grotte à flanc de falaise dans les montagnes, un endroit où le feu qui s'échappait de lui ne risquait pas de le faire repérer. Il pansa ses blessures comme il le put et finit par guérir, si pas d'esprit au moins de corps. Il s'inquiétait pour sa famille, mais ne pouvait les approcher de peur d'attirer leur attention sur eux. Mieux valait une rupture nette.

Peu de temps après, la Purge éclata, et les hommes montrèrent enfin leur vrai visage. Il avait entendu dire que sa famille avait été raflée avec les sorciers, son nom frappé d'anathème. Sans doute avaient-ils voulu se venger du fait qu'il était parvenu à se cacher. A sa connaissance, seule son frère avait eu des pouvoirs. Comme si cela changeait quelque chose. Leur mort était un élément de plus à reprocher aux dirigeants de Corona. Et lui qui avait pensé rester à l'écart afin de les protéger...
 
Seul dans les montagnes, il survécut en braconnant le gibier des bois et en nourrissant sa colère envers ces dirigeants qui l'avaient abusé, torturé sans raison, alors qu'il n'avait montré que la plus grande loyauté à leur égard. Certains nobles trop curieux étaient venus le visiter pendant son incarcération, et il garderait à jamais l'image de ces hommes, le nez caché derrière un mouchoir, en train de commenter froidement les méthodes des médecins, et les pressant pour plus de résultats.

Il y a quelques jours, il avait appris qu'Eleonora avait disparu. Cette nouvelle avait attiré un sourire mauvais à ses lèvres, et une partie des bois aux alentours de sa caverne en avait brûlé. Depuis son évasion, il ne maîtrisait plus sa magie. Le feu jaillissait hors de ses doigts parfois sans raison, et il n'arrivait plus à le doser. Il était devenu dangereux, le savait, mais cela n'avait pas d'importance. C'était le moment propice pour lui d'agir. Les remous causés par cette disparition seraient le terreau fertile sur lequel il sèmerait le chaos et la destruction. Les sorciers ne seraient jamais tranquilles tant que le pouvoir en place ne changeait pas. Il les réduirait en cendres, il serait le tison qui guérissait la plaie gangrenée qu'était devenue la noblesse de Corona. Il avait hâte de commencer.