I'm only a human x Erika

La pleine lune avait fait place au soleil qui teintait de rose le ciel du matin. L'aube avait pointé son nez au même moment où tu poussas ton premier cri. Une fille. Encore. À croire que la famille Nielsen ne donnait naissance qu'à des filles. De génération en génération, ce nom était transmis de mère en fille. Une vieille légende racontait que votre ancêtre avait été maudit par une sorcière. Vérité ou simple histoire pour endormir les enfants? Peut-être un mélange des deux. La preuve était que tu étais là, dans les bras de ta mère. Une petite fille aux joues rosées. Tu étais la première née et ton père avait toujours espoir de voir un petit garçon naître. Il pouvait toujours rêver.


Tu n'étais pas comme les autres filles de ton âge. Tu étais faite pour le combat et non pas pour une petite vie tranquille. Tu avais besoin de bouger, et le meilleur moyen était de t'entraîner. Ta mère y allait rarement avec douceur. Elle devait, après tout, faire de toi une combattante. Une femme qui, un jour, sera garde-du-corps pour la famille Weiss, tout comme elle. Même si ta mère avait fondé une famille, elle exerçait tout de même ses fonctions auprès de cette noble famille qu'elle servait depuis plus d'une décennie. Ton destin sera le même et tu ne t'en plaignais pas. Tu adorais cette petite de ton âge qui semblait si frêle. Être à son service et la protéger était ton plus grand rêve. Vous qui grandissiez ensemble, un lien puissant se créait entre vous. Un lien qui semblait incassable. Et pourtant aussi fragile qu'une fleur.


« Nous serons toujours ensemble, n'est-ce pas, Erika? » Doucement, tu posas ton front contre celle de ton amie, vos doigts s'entrelaçant. « Je te le promets. Ensemble pour toujours. » Et un large sourire se dessinait sur son visage. Tu le lui rendis, bien heureuse de la voir ainsi. Tu aurais voulu la voir sourire éternellement, ne jamais voir la tristesse ou la colère déformer ses traits délicats. Elle était censée être ta protégée, ta maîtresse. Sauf qu'elle était bien plus que cela. Vous étiez comme des soeurs, à vrai dire. Vous veillez l'une sur l'autre, s'inquiétant pour un tout et un rien. Tu la suivais même partout, tel un chien docile et fidèle. Rien ne présageait ce qui allait se produire. Pourtant, toi qui croyais la connaître, tu te trompais, buvant ses paroles comme de l'eau de source. Naïve petite chose que tu étais.


Assise au sol, tu fermais les yeux alors que ta mère brossait doucement tes cheveux. Depuis quelques moins maintenant, elle n'était plus en fonction. Son ventre arrondit était la raison principale de son arrêt. Et tu étais bien heureuse d'avoir une petite soeur ou un petit frère. Ce soir-là, tu ne pensais pas que la famille s’agrandirait encore. Ton père rentrait tout juste à la maison, un petit bonhomme lui tenait la main. Un orphelin, c'est ce que ton père disait. Il n'avait nul part où aller. Aucune famille, aucun foyer. Il l'avait trouvé errant dans les champs, mourant de faim. Et si le garçon semblait un peu réticent à l'idée d'entrer, tu ne te fis pas prier pour le rejoindre et, une fois à sa hauteur, tu ouvris les bras pour l'accueillir. « Moi, c'est Erika! Je serai ta grande soeur maintenant. Bienvenue dans la famille! » Avec ta petite soeur à naître, vous alliez bientôt former une famille unie. Comme la vie était belle.


Le soir de la Purge, un évènement qui marque au fer rouge l'esprit de tous les habitants. Tout avait pourtant si bien commencé. Debout près d'un mur, tu observais silencieusement les nobles s'amuser alors que ta mère et toi surveilliez vos protégées. Tu n'avais que dix-sept ans et, pourtant, tu étais très douée. Ta mère disait souvent qu'elle était fière de toi, que tu étais même un modèle pour ton frère adoptif et ta petite soeur. Et puis, le massacre commença. Si ta mère emporta immédiatement les Weiss en sécurité, ton amie n'était plus là. Tu courrais à travers les couloirs du palais, criant son nom. La peur t'envahissait petit à petit, car tu n'arrivais pas à la trouver. Et tu connaissais son secret. Une sorcière. Et les sorciers semblaient être visés ce soir-là pour une raison qui t'était complètement inconnue. Même si la famille Weiss se faisait discrète sur l'utilisation de ses pouvoirs et que peu de gens connaissaient la vérité, tu ne pouvais t'empêcher de t'inquiéter pour elle. Si seulement tu avais su.


Cette expression sur son visage. Le sang qui maculait sa robe. Tu ne l'avais jamais vu ainsi. Tu ne comprenais tout simplement pas ce qui s'était passé. Tout ce que tu savais, c'était qu'un homme, un noble de surcroît, gisait non loin d'elle. Ta meilleure amie aurait-elle commis une telle chose? Aurait-elle utilisé son pouvoir pour se défendre? « Qu'est-ce qui s'est passé? Enfin, peu importe, tant que tu es vivante. Tu as bien faire de te défendre... Tu t'es bien défendue, n'est-ce pas? » Étrangement, ta voix tremblait. Tu avais du mal à te calmer, car trop de choses tourbillonnaient dans ton esprit. « Non, je l'ai tué Erika. Simplement parce que j'en avais envie. » Tu ne voulais pas y croire. Comment pouvait-elle avoir fait une telle chose alors qu'elle semblait si gentille? Si douce et fragile? Tu la connaissais que trop bien, mais en cet instant, tu doutais. Tu avais l'impression de voir une autre jeune femme devant toi. Jamais tu n'aurais dû lui faire confiance.


Tu fuyais aussi loin que tu le pouvais. Aussi loin que tes jambes pouvaient te porter. La voix de la Weiss raisonnait toujours dans ton esprit. Elle t'avait accusé. Elle t'avait traité de sorcière. Et les gardes t'avaient aussitôt poursuivi. Tu n'avais pas pris le temps de réfléchir. Tu étais partie, tout simplement. Mille et une question se bousculaient dans ton esprit. Pourquoi avait-elle tué cet homme?  Pourquoi t'avait-elle accusé? Pour se sauver, elle? Possible, mais elle n'aurait pas pu te trahir. Vous vous étiez promis de toujours rester ensemble. Tu étais prête à offrir ta vie pour elle. Tu aurais pu la protéger des gardes, tu l'aurais emmenée loin de Corona s'il le fallait. Il faut croire que les coeurs des Hommes changent facilement.


Recherchée pour le meurtre d'un noble, tu vis désormais cachée. Tu sais que ta famille est toujours vivante, mais le prestige des Nielsen n'est plus ce qu'il était depuis qu'une meurtrière faisait partie de la famille. Tu n'as même pas essayé de les contacter, de peur qu'ils te trahissent à leur tour. Tous pensent que tu es une sorcière, sauf que tu connais la vérité. Peut-être que ta meilleure amie souhaitait ta mort, car tu connaissais son secret. Car tu avais vu le meurtre de tes yeux. Quelle idiote tu étais. Au final, elle t'avait manipulée. Et si tu la détestes aujourd'hui encore, tu n'arrives pourtant pas à te débarrasser du pendentif qu'elle t'a offerte pour ton quinzième anniversaire. Peut-être qu'au fond de ton coeur, tu espères t'être trompée. Ton esprit réclame vengeance, mais ton coeur pleure toujours ce passé heureux.