What kind of woman doesn't own an axe? ✘ Ainsley Moon [Terminé]

Je déteste écrire. Pendant des années j’en ai pas eu besoin. Je me suis contentée d’apprendre à compter parce que quand on veut réussir à vivre du peu d’argent qu’on a, on a plutôt intérêt à savoir de combien on dispose et de pas se tromper ou se laisser flouer quand on donne. Mais on m’a appris à écrire, on m’a dit qu’en tant que mercenaire ça pourrait toujours être utile alors voilà. J’écris. C’est stupide. J’ai une écriture même pas lisible de toute façon, même moi j’arrive pas à savoir ce qu’il y a deux lignes plus haut. Mais eh, c’est la postérité, qu’ils disent. Pour que je relise ma jeunesse de temps en temps, pour que je devienne pas folle à force de tuer, pour que je me rappelle pourquoi je fais ce que je fais. Alors soit. Écrivons. Au pire dans un siècle ou deux, les gens déchiffreront mon écriture pourrie et apprendront comme la vie était pas toujours belle dans le royaume.

On m’a dit que je suis née en 470, il y a donc maintenant 30 ans passé. Je ne compte pas spécialement ce que je gagne en années mais admettons. J’ai trente ans. A mon âge la plupart des femmes sont bien rangées, avec quelques enfants et parfois même déjà veuves. Je n’ai rien de tout cela et je n’en veux pas. Les enfants ne sont rien qu’une bouche de plus à nourrir et un mari une charge qui va t’empêcher de faire ce que tu veux. J’étais juste une bouche à nourrir lorsque je suis née. J’étais la troisième enfant de mes parents. Mon grand frère avait deux ans, ma grande sœur aurait dû avoir un an si elle n’était pas morte au cinquième jour. Mes parents espéraient que je subirais le même sort qu’elle. Ils avaient déjà un fils vivant, c’était déjà assez la galère comme ça. Pas besoin d’une fille qui allait rien faire d’autre qu’amener des dépenses et des ennuis. A leur plus grand malheur, je passais le cap de la première année, puis de la seconde. Pas du tout de quoi les ravir.

Mon frère serait envoyé pour devenir un soldat. C’était convenu depuis déjà longtemps. Avec ses revenus de soldat, il allait pouvoir ramener un peu plus d’argent à la famille. On eut d’autres frères et sœurs, mais aucun ne dépassa jamais les deux ans. Alors dès qu’il fut en âge, il rejoignit les rangs des soldats. Il passa les premières années à s’entraîner, et parfois il allait faire des heures d’extra seul en dehors de la ville. C’est comme ça que moi j’ai appris à me battre. Je lui demandais de m’apprendre pour que je puisse l’aider à s’entraîner. Je finis par être au même niveau que lui, et on arrêta de s’entraîner ensemble parce qu’il était maintenant réellement soldat. Il n’avait plus le temps de passer tant de temps que ça avec nous, il nous donnait juste une partie de sa paie pour qu’on puisse vivre un peu mieux. C’est à peu près à cette époque que notre mère périt, tombée dans l’eau alors qu’elle faisait son travail de lavandière. Mon père, qui travaillait comme garçon de ferme sur des terres qui n’étaient pas sienne, galéra beaucoup à joindre les deux bouts malgré que nous en soyons plus que deux. C’est à cette époque que je décidais de devenir mercenaire.

Je n’ai aucun plaisir dans l’acte de tuer. Je n’en ai jamais eu et j’espère que je n’en aurais jamais. Mais parfois, la nécessité passe avant et il nous faut faire ce qu’il faut pour survivre. C’est la loi du plus fort, du plus habile, ou parfois simplement de celui qui a l’épée la mieux aiguisée. J’avais dix-huit ans lorsque je décidais de mettre mon épée au service de quelqu’un. Je me refusais à rejoindre les gardes et soldats. Je ne me voyais pas punir des voleurs de bas-étages, des personnes qui n’avaient rien et à qui on ne permettait pas de prendre quoi que ce soit. Je les comprenais, merde ça m’était même arrivé de voler un truc ou deux un jour où j’avais vraiment la dalle. Je choisis donc plutôt de me faire payer pour mes services, qu’importe de qui ils émanaient. L’argent n’a pas d’odeur sinon celui de la nourriture.

J’ai tué pour la première fois en défendant la personne qui m’avait engagé pour le protéger. C’était un bourgeois qui s’était fait des ennemis et qui avait peur pour sa vie. Il payait pas trop mal, même si c’était au dessous de ce que j’accepterai aujourd’hui. Je n’avais pas encore la notion de prix à l’époque et il m’a engagée pour vraiment pas cher. Comme il le pensait, ses ennemis avaient envoyé quelqu’un l’attaquer. La mort était accidentelle, mais elle prouvait comme je me dédiais à mon métier. Le sentiment était étrange, mais en même temps je savais pourquoi je faisais cela. Quelque part, ça ne me dérangeait pas. C’est pourquoi je me suis dit qu’il devait y avoir quelque chose à tirer et maintenant, en plus d’être une simple mercenaire, je suis aussi tueuse à gage. Ca paie mieux, même si c’est plus rare. Et qui que vous soyez, vous là dans le futur qui lisez peut-être ça, je vous permets pas de me juger. Vous savez pas ce que c’est.

Alors voilà. Je ne crois pas qu’il y ai plus à dire. Je sais que ceux qui s’intéresseront au passé préféreront que je parle de la Purge, mais il n’y a pas tant que cela à dire. Ils ont tué aveuglément les sorciers et sorcières, sans se poser la question de savoir si tel ou telle était bon ou mauvais. C’était de la violence aveugle, c’était contre mes principes. Alors j’ai protégé des gens gratuitement. Je ne sais pas si je le referais. J’étais jeune, j’étais naïve, je pensais à l’argent sans vraiment le désirer. Aujourd’hui, les sorciers ont intérêt à payer. Je suis pas leur larbin. Je suis pas de leur côté. Je ne suis d’aucun côté sinon celui qui me donnera du pain à manger et de la bière à boire. C’est ainsi que va la vie. A eux de s’y faire.