Entraînement magique. Feat Ellerina Blumenthal

girls on fire

Chaque échappée était une délivrance dans la routine bien tracée d'Ellerina. Depuis dix ans, elle haïssait chaque brique du palais et détestait devoir y être enfermée comme un oiseau en cage. Maintenant que la princesse avait disparu, tous les gardes étaient en alerte maximum et se promenaient dans les couloirs du palais avec l'air d'un petit coq prétentieux. Il vaut mieux éviter de vous rendre au village, mademoiselle Blumenthal. C'est pour votre sécurité, mademoiselle Blumenthal. Votre père nous a demandé de garder un oeil sur vous mademois... Stop, stop, STOP ! Au départ, elle avait essayé de les amadouer en jouant de ses grands yeux de biche et en faisant tourner ses jupons mais ces crétins semblaient incorruptibles. Ou alors, ils avaient tous trop peur du premier ministre Heinberg, alias le crétin en chef moustachu, qui semblait vouloir garder les nobles près de lui, au château. Était-ce pour les protéger... ou pour mieux les surveiller ? Dans tous les cas, il était hors de question qu'un vieux débris ne l'empêche de vivre sa vie.
Régulièrement, elle trompait la vigilance des gardes en empruntant quelques passages secrets du château ou en se déguisant en domestique. Elle revenait toujours à temps pour que l'on ne remarque pas sa disparition mais son père n'était pas dupe et l'avait déjà sermonné un nombre incalculable de fois. Mais ses paroles et ses gifles n'atteignaient plus Ellerina qui ne songeait qu'à une seule chose : retourner dans la forêt et laisser sortir les flammes de la paume de ses mains.

Sans compter qu'à présent, elle avait trouvé une compagnonne de jeu : Simone Virtanen, ambassadrice d'Arendelle fraîchement arrivée à Corona. Elles s'étaient croisées un jour dans les couloirs et avaient rapidement compris qu'elles avaient toutes les deux le même but : trouver le moyen de s'enfuir de leur prison. Alors elles avaient uni leurs forces et se retrouvaient régulièrement en dehors du château pour discuter et pratique la magie. Car Simone était aussi une sorcière et contrairement à Ellerina, n'en avait pas honte ; à Arendelle, la magie était autorisée, encouragée même.
Finalement, après une longue chevauchée à travers les bois, Ellerina descendit de sa monture et fit en quelques pas en direction de leur lieu préféré, une clairière ensoleillée bordée par un petit lac. Il commençait à se faire tard et Ellerina ne pouvait s'empêcher de frissonner malgré le lourd manteau qui recouvrait ses épaules. C'était ce qu'elle avait trouvé de mieux pour dissimuler sa condition de noble : sa robe en soie turquoise cachée derrière l'étoffe sombre, elle devenait une autre pour quelques heures. « Pardonnez mon retard dame Virtanen... » lança-t-elle à l'intention de Simone sur le ton pincé qu'utilisaient toutes les duchesses de la Cour. « J'ai été retenue par un garde qui pêchait par excès de zèle. » Elle éclata de rire et retrouva bien vite son ton de voix habituel. « Nom d'un caméléon, je crois que je ne me ferais jamais au fait que ton animal de compagnie soit une louve. » Lorsqu'elle l'avait rencontrée pour la première fois, Ellerina n'avait pu s'empêcher d'être effrayée par la majestueuse Moon, avant d'être rassurée par Simone. Néanmoins, elle s'approchait toujours de la louve avec précaution et évitait de la regarder trop longtemps dans les yeux.  
 

Étouffant un éclat de rire lorsque Simone mentionna son garde du corps, Ellerina tourna sur elle-même et retira d'un geste son manteau, dévoilant sa robe de soie et sa cascade de cheveux bruns. Elle aimait la sensation de ses cheveux détachés sur ses épaules. Au palais, elle était forcée de les porter attachés et elle avait fini par ne plus supporter les milliers d'épingles à cheveux qui ornaient son crâne chaque jour. Dans la forêt, elle était libre ; libre de laisser flotter ses cheveux au vent, libre de jurer, libre de rire aux éclats avec Simone pour un rien. Pour quelques heures, elle devenait quelqu'un d'autres, celle qu'elle aurait dû être si sa mère n'était pas morte le soir de la Purge. « Pauvre Hadrian... J'ai presque pitié de lui ! Cela se voit qu'il tient à toi, il essaye seulement de te protéger. » Laissant échapper un soupir, Ellerina passa une main dans ses cheveux pour les démêler, en vain. Sa crinière avait toujours été indomptable lorsque ses cheveux étaient détachés, cela faisait souvent soupirer sa mère, elle qui était toujours tirée à quatre épingles. Se raccrochant au souvenir de la main de sa mère lui caressant doucement les cheveux, Ellerina poursuivit d'un ton amer : « ... alors que mon père veut juste m'enfermer et me marier avec un étranger. Tu ne sais pas la chance que tu as de ne pas être mariée, Simone ! » Ellerina ignorait si c'était un choix de la part de son amie ou si les coutumes d'Arendelle étaient plus souples que celles de Corona mais dans tous les cas, elle aurait tout donné pour échanger sa place avec celle de l'ambassadrice. Voyager, découvrir de nouveaux royaumes, rencontrer chaque jour de nouvelles personnes... C'était ce dont à quoi aspirait Ellerina. Elle refusait de passer sa vie cloîtrée entre quatre murs, dans un petit château étriqué, à élever des enfants capricieux avec un mari pour qui elle n'éprouverait rien. Et encore, elle s'estimerait chanceuse si son mari participait à l'éducation de leurs enfants ! D'après ce qu'Ellerina connaissait du mariage, le mari pouvait avoir le contrôle de son épouse, ce qui la terrifiait.

Pour l'heure, elle ne pouvait rien faire, si ce n'était prier pour que son futur époux ne soit pas un véritable goujat, et profiter de ce moment de répit avec Simone. Encouragée par cette dernière, Ellerina tendit la main vers Moon et posa doucement sa main sur le pelage de la louve. « Je sais bien, c'est juste que... Elle est tellement belle. Et impressionnante. Elle pourrait m'arracher la main si elle le désirait et pourtant, elle a l'air si... paisible. Parfois, je me dis que nous humains ne méritons pas la compagnie des animaux. Ils sont si purs alors que nous sommes... de vrais idiots. Et encore, je pèse mes mots ! » Il suffisait de songer à ce qui s'était passé le soir de la Purge pour comprendre que le monde ne tournait pas rond. Au souvenir de cette funeste nuit, Ellerina sentit que quelques flammes étaient déjà en train de lécher ses paumes.  Elle s'écarta bien vite de Moon et laissa enfin s'échapper le pouvoir qui coulait à l'intérieur de ses veines. « Prête ! » Mais, tandis que les flammes qu'elle venait de créer spontanément s'évanouissaient déjà dans la nuit, le visage d'Ellerina était devenu soucieux. Malgré ces séances d'entraînements secrets, il n'était pas rare que son pouvoir se manifeste même lorsqu'elle ne le souhaitait pas et elle craignait de plus en plus de blesser quelqu'un par erreur. Elle recroquevilla brusquement ses doigts et fit quelques pas dans l'herbe humide, craignant que Simone ait remarqué son moment de faiblesse.