★ ... j'ai besoin de changer d'air... ★
Bleue était la mer. Turquoise. Limpide. Cristalline. On pouvait voir les poissons nager. Mais elle n'avait aucun intérêt pour les poissons. Son regard embué de larmes ne quittait pas le rivage. Sable fin. Couleur platine. Personne pour lui dire au revoir, pour crier "Omasa" et observer le bateau jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon. Adieu. Nous ne nous reverrons jamais plus. Vendue. Pour que le reste de la famille puisse vivre. Elle aura une bonne vie là-bas. Elle aura un travail, elle gagnera de l'argent. C'était difficile mais c'était la meilleure solution. Cette pratique existait depuis des générations. Elle avait fait ses preuves. Au village chaque famille avait déjà vendu un enfant. Avec l'argent ils pourraient acheter du riz dans un port voisin et la vie serait plus supportable. Adieu donc. Elle irait vendre des fleurs sur les marchés. Elle devait sourire mais jamais parler. De toute façon son dialecte natal était difficilement compréhensible quand bien même il était basé sur la même langue. Désormais elle serait Nana parce qu'elle était la septième enfant achetée. Elle apprendrait, les enfants apprennent vite. Si quelqu'un essayait de lui parler elle devait faire semblant de ne pas comprendre. Si on tentait de l'emmener quelque part, elle devait s'asseoir et crier. Oncle Shin viendrait l'aider. Lui ou un de ses hommes. C'était Oncle Shin qui l'avait achetée. Il était le seul qui venait sur l'île pour acheter des enfants. Seulement des enfants, rien d'autre et toujours très jeunes. Il ne venait qu'une fois dans l'année et il repartait toujours avec plusieurs enfants. Personne au village ne l'appelait Oncle Shin mais désormais les enfants devraient l'appeler ainsi et il prendrait soin d'eux. Elle voulait rentrer chez elle. Mais les enfants plus âgés, ceux qui avaient été vendus depuis plusieurs années, lui rappelèrent que personne ne rentrait une fois vendu. On ne pouvait pas s'enfuir, les hommes d'Oncle Shin nous rattraperaient et on serait vendus à quelqu'un de méchant qui nous battrait ou pire encore. Et même s'il était possible de s'enfuir, où aller ? Personne ne voudrait nous revoir au village, cela gâcherait à jamais les relations avec Oncle Shin, il ne viendrait plus acheter des enfants et le village serait très pauvre par notre faute. Et s'enfuir ailleurs était dangereux, on ne connaissait personne et on finirait seul dans un trou, mourant de faim. Ils avaient de la chance, ils avaient deux repas par jour et un toit au-dessus de leur tête pour dormir. Ils ne mangeaient que du riz et ils dormaient à même le sol mais c'était mieux que rien. Et Oncle Shin ne tapait que les enfants qui ne vendaient pas de fleurs. Mais elle vendait ses fleurs et aidait même les autres à vendre leurs fleurs restantes. Elle était si jolie et si menue qu'elle attendrissait les passants. Surtout les femmes. "Adorable" "Comme une petite poupée" "Belle comme un cœur."
Bleues étaient ses lèvres. Correction. Bleuâtres. Elle appris plus tard que la cause de cette teinte surprenante était une boisson que les archimages sirotaient durant leurs études pour stimuler leur cerveau. A force d'en boire tout au long de la journée pour ingurgiter les nombreuses connaissances scientifiques et magiques, la couleur devenait permanente. Le médecin l'examinait sous toutes les coutures avec une loupe. Elle n'avait jamais vu un médecin auparavant. Dans son village c'était la chaman qui s'occupait des malades. Mais elle n'était pas malade alors pourquoi faire venir un médecin ? Et pourquoi la loupe? Cela faisait trois mois qu'elle vendait des fleurs pour Oncle Shin qui était très satisfait de son travail.
"Elle pourrait convenir. Bonne santé. Bonne forme physique. Aucune marque gênante. Un peu maigre mais ça peut s'arranger." Convenir pour quoi ? Elle s'agrippa au bras d'Oncle Shin. Il allait donc la vendre lui aussi ? Pourquoi ? Elle avait été sage, elle travaillait bien, elle n'avait jamais essayé de s'enfuir.
"Tu vas arrêter de vendre des fleurs. Tu vas aller dans une très belle maison et tu apprendra beaucoup de choses. Si tu fais ce qu'on te demande tout ce passera bien. Tu auras à manger, et pas que du riz, des beaux habits et des beaux bijoux. Tu auras un bain tous les jours. Va maintenant." Il y avait anguille sous roche. Pourquoi après avoir vendu dans les rues était-elle promise à une vie de luxe ?
"Elles sont de plus en plus jeunes. Bientôt on devra les nourrir au sein." "Ne parle trop fort, cela pourrait leur donner des idées." "Impossible, elles ne prendraient pas le risque de nous abîmer." "J'espère que ma nouvelle kamuro sera gentille. La dernière était une véritable peste. La sotte, elle croyait que ses yeux verts lui assureraient forcément ma succession." "Elle n'est pas encore venue celle qui prendra ta place, tu as placé la barre trop haut. A part peut-être celle-ci. Elle est belle comme un cœur. As-tu déjà vu une peau aussi blanche ?" "Si elle te plaît tant, tu n'as qu'à la prendre." Et ainsi elle devint la kamuro de dame Aoi. Elle prit le nom d'Aoko, l'enfant bleu, suivant partout la dame bleue, apprenant à son contact tout ce qui faisait la renommée des filles de la maison de l'arc-en-ciel. Beauté. Élégance. Raffinement. Comme Oncle Shin l'avait affirmé, Aoko apprit de nombreuses choses. Le chant et la danse. Manger et boire avec délicatesse. Rougir face à un compliment. Se maquiller et se coiffer à la dernière mode. Marier harmonieusement les différentes teintes de bleu. Les clients qui venaient aimaient les femmes cultivées et la maison de l'arc-en-ciel avait la réputation de renfermer les courtisanes les plus belles et les plus cultivées de la capitale. Aoko apprit à lire et à écrire, dans l'unique but de réciter et composer des poèmes mais elle n'avait que peu d'attrait pour le lyrisme. Ce qu'elle voulait c'était connaître le monde. Tout ce qui pouvait satisfaire sa curiosité était dévoré en quelques instants. Prospectus, journaux, manuels...
Bleue était sa tenue. Un bleu sombre et intense. Son vêtement semblait scintiller tant la soie et les fils d'argent étaient brillant. La reine de la nuit. Dame Aoi était éblouissante de beauté. Sa coiffure était un chef d’œuvre de complexité. Le moindre mouvement faisait tinter ses épingles. Elle avançait avec grâce sous le regard ébloui des habitants. La parade annuelle était une des rares occasions pour les dames de l'arc-en-ciel de sortir de leur pavillon. Autrement les contacts avec l'extérieur se faisaient par un intermédiaire, un coursier ou une servante. Les courtisanes se délectaient des journaux et des derniers romans parus. Elle préférerait les ouvrages scientifiques. Pour sa culture personnelle disait-elle. Tant que cela ne gênait pas son apprentissage, elle avait le droit. Son maigre temps libre, elle avait pouvait le passer à lire ce qui lui plaisait.
"Il y a au rez-de-chaussée un élève de l'école des archimages. Peut-être as-tu enfin un client avec qui tu pourras parler de science." L'occasion était trop belle.
"Je t'ai vue lors de la parade. Tu étais tellement belle !" "Étais ? Je ne le suis plus ce soir?" "Si si !" Il était d'une maladresse affligeante. Les jouvenceaux la fatiguaient. "Tu m'ennuies." dit-elle en s'écartant de son étreinte. "Non non reviens !" "Tu embrasses trop mal. Je vais demander qu'on te sorte." "Je vais faire un effort. Et toi tu m'apprendras." Tombé la tête la première dans son piège. Un jeu d’enfant.
"D'accord mais en échange je veux que tu me racontes tout ce qu'on t'enseigne à l'école des archimages." "Jamais c'est interdit." "Alors je vais appeler." "Mais j'ai payé pour trente minutes !" Il n'aurait pas du dire cela. Ils se croyaient tout permis en échange de quelques pièces.
"Et alors ? Tu as juste le droit de me prendre dans tes bras et de m'embrasser. Je dirais que tu as été trop loin et tu n'auras plus jamais le droit de revenir. Tu devras te contenter des bordels de misère plein de maladies." "Mais c'est faux !" "Qui va-t-on croire, un simple étudiant de première année ou la future dame bleue ? Je claque des doigts et on te jette dehors." Du bluff. Elle n'était pas la future dame bleue, elle avait de nombreuses rivales. Son statut était encore celui de kamuro. Apprentie parmi d'autres. Si elle mettait sa menace à exécution, on proposerait certainement au jeune homme de passer la soirée avec une courtisane confirmée pour un tarif plus élevé ou de sortir et revenir une prochaine fois avec plus d'argent. Cependant il n'était jamais venu et il ignorait tout cela. Il était suffisamment crédule pour qu'elle tente sa chance. Aoko le fixait sans ciller.
"D'accord d'accord. Écoute. Je ne peux pas t'enseigner la magie j'ai prêté serment. Mais je peux te montrer d'autres choses." "Comme quoi ?" "La médecine de base. La physique. La chimie." Et ainsi se passèrent le reste des trente minutes payées et tous leurs autres rendez-vous. Elle notait tout sur des petits carnets. Elle avait développé un vif intérêt pour la chimie. Et d'après son apprenti archimage elle était plutôt douée.
"Pour ça et pour l'autre chose aussi !" disait-il avec un clin d'œil lubrique. D'une grande finesse.
"J'ai encore du mal à me faire à ton nouveau nom. Pour moi tu seras toujours Aoko. " "Ta familiarité à mon égard me désole. Je suis Aomitsu première suivante de dame Aoi. Maintenant c'est officiel je suis la future dame bleue. La moindre des choses c'est d'honorer les efforts que j'ai accompli en m'appelant par mon nom." "Ne te fâche pas. C'est juste que c'est difficile à réaliser." Elle n'avait aucun mal à réaliser elle et ce n'était pas grâce au fait d'avoir changé de nom. On avait payé cher pour le privilège de cueillir sa fleur à peine éclose. Pourquoi tant d'intérêt pour les toutes jeunes filles ?
" Pour leur fraîcheur, pour leur candeur, pour leur jeunesse qui s'envole si vite. Parce que le temps fait rapidement son œuvre et l'on perd le souffle et le goût de la nouveauté. Les jours et le nuits se ressemblent. On éteint doucement le feu de la passion. Les rêves d'un avenir radieux se muent en projets jamais réalisés. On regrette l'époque où tout nous semblait réalisable. Certains être pensent le retrouver un bref instant en touchant la jeunesse de près. Mais ce n'est qu'une illusion et au réveil la réalité nous a rattrapé. Et un soir en partageant une tasse de thé il dira dans un sourire qu'il voit des rides au coin de nos yeux et que malgré tout il se souvient de nous comme au premier jour. Je vois la fleur se fâner mais je me souviens du temps où elle n'était qu'un bourgeon que j'ai touché du bout des doigts. Notre réponse ne sera qu'un sourire tout en songeant que lui avait déjà des rides ce premier soir où vous ne formiez qu'un. " "Non c'est juste des pervers." Un rire cristallin.
"Peut-être mais ce sont ces pervers qui nous font vivre." Alors c'était ainsi ? Nous existions pour ce genre de personne, pour ceux qui pensent que le corps d'une femme s'achète. Pour ceux qui proposent d'offrir la floraison d'une jeune fille moyennant finance et ceux qui participent à ce commerce honteux. Elle ne voulait y croire. Certes elle évoluait dans ce milieu, elle avait la preuve tous les jours que cet univers était réel mais elle refusait d'y contribuer plus longtemps. Elle ne serait pas comme dame Aoi résignée à son sort.
"Soit mais est-ce que tu as une meilleure option ?" demanda Hanako. Si dame Aoi jouait plus ou moins les mères de substitution, Hanako était sa confidente. Si elles ne partageaient le même statut, l'une était première suivante et l'autre simple servante, elles avaient le même âge et des caractères compatibles. Elles s'étaient appréciées dès le premier regard. Très tôt le matin quand la maison était tranquille elles se retrouvaient pour discuter faisant fi des caprices météorologiques. La "meilleure option" était sa philosophie.
"Non je n'ai pas de meilleure option. Pour le moment. Mais je sais que je peux faire autre chose." "Quand tu l'auras trouvé, tu seras sur la bonne voie." "Je dis qu'elle sera bleue." "Et moi rouge." Un instant de silence avant un sifflement puis une explosion. Une lumière d'un vert éblouissant illumina le ciel nocturne. Les feux d'artifices plaisaient à tous, pauvres et riches, enfants et adultes. Les dames de l'arc-en-ciel les observaient avec ravissement, installées sur la terrasse du jardin intérieur.
"J'ai trouvé la première étape qui me mènera vers ma meilleure option." déclara-t-elle un matin de printemps.
"Tu vas continuer à observer le lointain ou tu vas m'expliquer?" "Maître artificier." "C'est vrai que tu aimes bien quand ça pète toi." Hanako essayait de faire de l'humour mais elle voyait bien qu'elle était troublée.
Bleu était le ciel. Si sombre. Le jour ne pointera que dans une heure. Et dans une heure elle serait loin.
"Il est encore temps de changer d'avis." "C'est ici ma meilleure option. C'est une vie modeste et clairement moins exaltante que celle que tu t'apprêtes à vivre mais je ne peux pas te suivre, je ne suis pas faite pour ça." "Tu vas me manquer. Terriblement. Prend soin de toi." "Toi aussi." Une dernière étreinte, un dernier baiser. Partir sans se retourner. Déjà les marins hissaient la grande voile. Les maîtres artificiers se trouvaient à bord. Une troupe de théâtre faisait également partie du voyage. Ils se rendaient tous sur un autre continent pour exercer leur art. La durée du trajet fut utilisée pour lui enseigner ce qu'elle devait savoir pour réussir les feu d'artifices. Et elle consignait le moindre détail dans ses petits carnets. Elle y nota aussi une astuce utilisée par les acteurs pour apparaître et disparaître de la scène dans une nuée de fumée.
Bleue était la poudre. Cette touche de couleur qui était sa signature, un hommage à dame Aoi et Hanako, et qui lui avait valu son surnom de Powder Blue. Ses fabrications avaient connu un vif succès sur les marchés. Puis brusquement plus de production. Plus rien à acheter.
"Si vous voulez la poudre, il me faut me prendre avec vous." Elle savait qu'ils ne pourraient faire autrement. Certains avaient tenté d'imiter ses créations mais aucun n'avait su égaler sa maîtrise. Une démarche commerciale mûrement réfléchie. De plus elle n'aimait pas savoir comment on utilisait ses produits. Si la mission ne lui plaisait pas elle pouvait refuser d'agir.
"On te demande pas ton avis ! Tu vas faire..." "Tu as deux secondes pour ôter tes pattes ou je te fais sauter ce qui te sert de tête." dit-elle en présentant un sachet bleu sous son nez. L'odeur prenait à la gorge.
"Tu n'oserais..." "Un. D..." Il relâcha son emprise et s'éloigna en criant à qui voulait l'entendre qu'il ne travaillerait pas avec une cinglée dans son genre.
"Tu l'aurais vraiment fait ?" demanda Jin en lui tendant un verre.
"Je suis vexée que tu poses la question." "Mais tu y aurais laissé des plumes aussi." "Je ne suis pas un oiseau." Certaines subtilités langagières lui échappait encore. Et elle n'avait pas envie de s'attarder sur l'éventualité d'abîmer ses yeux de biches ou brûler sa peau de pêche. Cela n'avait aucune importance.
"Bon. Cette nouvelle mission?" Ils avaient été satisfaits de ses services la première fois, elle espérait qu'ils lui proposeraient de rejoindre la bande de manière définitive. Elle les aimait bien ces trois compères. Ils lui faisait penser à une famille, Griff serait la mère, maman ours par excellence, bienveillant, leader incontesté, farouche protecteur, Jin serait le père, plus discret mais tout aussi aimant et Face serait le fils aîné fanfaron déjà adulte mais vivant encore dans le cocon familial. Quand elle était avec eux il lui semblait faire partie de cette famille. Elle avait le vague souvenir d'une famille sur l'île qui l'avait vue naître. Oncle Shin n'avait que le nom et les autres enfants ne faisaient que se moquer et raconter des horribles racontars pour vous effrayer. La maison de l'arc-en-ciel ne pouvait pas être considérée comme un foyer, elle comptait trop de rivalités pour cela. Non il n'y avait que cette bande qui lui donnait ce sentiment d'appartenir à un groupe soudé. Et ils devaient l'apprécier en retour car elle était devenue un membre de la bande. Un soir, une fois leur mission terminée, tout naturellement elle n'était pas rentrée à son auberge habituelle mais elle était restée avec eux. Ils avaient pris un verre et elle avait avoué à Jin dans cette langue qu'ils partageaient qu'elle admirait le couple qu'il formait avec Griff. Elle appréciait de parler à nouveau cette langue. Son aveu étouffa Jin dans sa boisson ce qui fit rire Face aux éclats. Griff s'enquit de cette agitation et après avoir fait la traduction il y eu une certaine gêne sauf Face qui rit de plus belle. Honnêtement elle ne voyait pas le souci et même lorsque Griff essaya de lui expliquer elle exprima son incompréhension avec toute la naïveté dont elle pouvait faire preuve.
Bleus étaient ses yeux. Fermés désormais. Pour toujours. Il était mort. Elle ne pouvait y croire. En un instant il n'était plus. C'était si rapide. Elle gardait son corps contre elle comme si elle pouvait encore le retenir. Elle savait que cela ne servirait à rien mais elle refusait de le lâcher. Elle voulait pleurer ou crier, exprimer sa tristesse d'une manière ou d'une autre mais aucun son ne daignait sortir de sa gorge ni aucune larme couler de ses yeux. Une main se posa doucement sur son épaule et une voix, celle de Socrate ou de Jin elle était trop bouleversée pour y prêter attention, lui dit qu'ils allaient l'enterrer. Griff, Hound et Face portèrent leur ami tombé au combat tandis que Kid lui prenait la main. Ils choisirent un bel endroit sous un arbre. Elle chanta pour lui avant de lui dire adieu. Le lendemain Griff annonça la dissolution de la bande. Aucun d'entre eux ne s'attendait à cette décision. Ils étaient abasourdis et furieux. Powder Blue n'était pas en reste. Elle fulminait sur sa chaise, écoutant à peine les arguments de Griff qui se désignait comme unique responsable, qu'il savait qu'ils n'étaient pas prêts, qu'il n'aurait pas dû accepter ce contrat, qu'il fallait le temps de la réflexion etc. Foutaises. Un an pour partir chacun de son côté, pour expérimenter autre chose. Mais personne n'avait envie de prendre cette année ! Qu'allait-elle faire ? Il l'abandonnait. Elle avait trouver sa voie avec eux et maintenant elle se retrouvait seule. Elle refusait de retourner à son ancien mode de vie, plus jamais se livrer pour de l'argent. La peur lui étreignait si puissamment le cœur qu'elle serrait son verre en tremblant, revoyant la plage qui s'éloignait, le marché aux fleurs, le tapis qui lui servait de lit, la maison de l'arc-en-ciel, les regards des clients... Le verre se brisant dans sa main. Sans un mot elle quitta la pièce. Kid lui raconta à son retour l'énorme dispute entre Jin et Griff. Bien fait pour lui ! Dans un an ceux qui voulaient reformer la bande se retrouveraient à Corona. Pour être certaine que rien ne l'empêcherait d'être présente le jour J, elle décida de s'y rendre dès aujourd'hui et d'y demeurer durant ce congé forcé. C'était une grande ville, on y avait forcément besoin de main d’œuvre. Elle avait quelques économies qu'elle pourrait utiliser pour les premiers temps.
"On engage au château. Ils continuent de trouver des sorciers dans le personnel même après la purge. Du coup ils peuvent pas les garder… Ca serait pas logique." "Et ça paie bien ?" "Bof pas plus qu'ailleurs mais au moins t'es logé, nourri et blanchi. Ça fait des frais en moins." Elle se présenta au palais royal le jour qui suivit cette fructueuse conversation et fut engagée pour une période d'essai. Il n'y avait rien d'exaltant mais elle y trouvait un certain confort. Si Hanako savait, elle serait en train de rire aux éclats. Et la bande aussi trouverait certainement sa situation risible. Leur petite boule d'énergie, obligée de se tenir silencieuse et répondre "Oui ma dame. Bien sûr ma dame. Tout de suite ma dame." Mais ce n'était que pour une année et le temps passait vite. Elle n'avait pas le temps de rêvasser à son amie d'outre-mer ou aux membres de la bande où qu'ils soient. Les journées étaient exténuantes, le soir elle fermait les yeux et plongeait immédiatement dans le sommeil. Dans ses rêves elle voyait le soleil se refléter dans l'eau et sur le rivage ses amis qui l'attendaient. Elle savait que ce jour viendrait bientôt et qu'elle pourrait enfin donner à Griff la gifle monumentale qu'il méritait.
★ ... et mettre fin au mystère ! ★