Kaela Olfheim • missing a part of me

Les premiers rayons du soleil peinaient à pénétrer au travers de l'unique hublot qui servait de fenêtre dans le débarras qu'habitait Kaela. La jeune femme vivait dans la belle et gracieuse demeure du redoutable Docteur Adiran Ferenbach et de son exécrable épouse Angela. Ceux la avaient acheté la jolie rousse alors qu'elle n'était qu'une petite fille, à peine âgée d'une année. Le père de Kaela était un homme dont la santé était vacillante, et bien que le docteur Ferenbach n'accepte que les bourgeois, il avait fait une exception pour cet homme qui, à l'époque, lui avait bien plu. Olfheim père était en effet un homme de bon caractère, sociable et serviable. Il ne pouvait payer ce médecin à l'aide de couronne, alors lui il lui offrait les meilleurs récoltes de sa ferme. Malheureusement, à l'aube de l'année 488, les récoltes se firent plus mauvaises et le fermier peinait à payer son bienfaiteur. Ferenbach ne laissa pas cet outrage passer, il refusait d'accorder un délais supplémentaire à la famille Olfheim pour payer ses dettes et menaça d'en référer à une autorité supérieur, à moins que le père de famille n'ait quelque chose d’inestimable à lui confier. C'est ainsi qu'il offrit, en échange du remboursement de ses dettes, l'une de ses dernières nées. Sa bien aimée femme venait d'accoucher de jolies petites jumelles à la crinière flamboyante et aux yeux d'un bleu sans fond. Ce geste lui brisa le coeur, mais Olfheim père tenta de se persuadé qu'il avait fait cet acte pour la bonne cause: sauver l'honneur et la modeste vie de sa famille. Il lui restait à charge deux enfants, un fils aîné et l'autre petite fille.

Kaela ne sut jamais rien de cette histoire, elle ne connaissait pas même son nom de famille, elle fut élevé par un percepteur qui venait à la demeure Ferenbach afin de lui apprendre les bases d'une éducation. Dès qu'elle fut en âge d'apprendre des gestes techniques ou de se rendre utile au sien du foyer, elle du se soumettre à la volonté de ses employeurs, bien que le termes ne soit pas approprié. En effet, le médecin et son épouse ne payaient la demoiselle, pourquoi faire? Elle leur appartenait, elle leur avait été offerte, elle était lié à eux et son existence entière devait leur être dévouée. On lui apprit alors à lire, des phrases simples, des affiches, mais son niveau restait néanmoins très faible.

Même plus âgée, la jeune femme ne sut que compter jusqu'à 100, suffisamment pour aller au marcher et échanger des couronnes contre des aliments. Elle était la seule domestique de la demeure Ferenbach, ce qui faisait d'elle la seule et unique souffre douleur des affreux époux. Lorsqu'ils décidèrent qu'elle avait suffisamment apprit, et qu'ils en avaient fait assez pour qu'elle les serve correctement, ils renvoyèrent le percepteur et engagèrent une domestique quelques semaines, afin que celle-ci forme la petite fille qui n'était pas âgée de plus de 7 ans à cette époque là. Laver, plier, ranger le linge, le recoudre si besoin, le blanchir au soleil, le blanchir autrement quand le soleil était caché, faire bouillir de l'eau, allumer des chandelles,  préparer plusieurs recettes différentes pour toujours servir des plats variés et raffinés aux Ferenbach. Elle apprit aussi l'art de la table, comment recevoir des invités, comment les servir, qui devait être servit avant qui. En dernier lieu, la domestique engagée pour être son institutrice lui apprit les rudiments de la politesse: Kaela n'était pas une employée, son rôle s'apparentait plus à de l'esclavage, de fait, elle se devait de nommer ses propriétaire d'une certaine façon : Maître, Maîtresse lorsqu'ils étaient en public, Monsieur et Madame pour les jours solitaires.

Ses mains souffraient déjà de ses nombreuses tâches, elles étaient rêches et abîmées, Kaela souffrait parfois terriblement à cause de ses doigts qui commençaient à se tordre à force d'être utilisés. Elle n'avait jamais de temps pour elle, sa journée entière, et parfois sa nuit, devait être consacré aux Ferenbach. Ils firent installer une cloche dans ses appartements, de sorte à ce qu'ils puisse la sonner à toutes heures. Il n'était d'ailleurs pas rare que la jeune femme passe plus de 24 heures sans dormir, car réclamé en permanence.  Bien sûr, Kaela n'était pas satisfaite de sa condition, pas même heureuse. Il lui était arrivé parfois de songer à mettre fin à ses jours, fin à son supplice. Mais le courage lui manquait, elle ne pouvait faire cela. Au fond d'elle même, elle souhaitait connaitre sa famille, si celle-ci était encore vivante, au fond, elle rêvait d'autre chose, d'une vie qui lui appartiendrait. Peut-être était-ce présomptueux de sa part, mais parfois, quand le sommeil ne venait pas la chercher, elle observait le plafond défraîchit de sa petite chambre froide et s'autorisait à rêver d'un sauveur, d'un bienfaiteur. Quelqu'un qui lui permettrait de s'épanouir. Mais ce rêve était inaccessible, à moins de fuir la demeure.  Elle y avait déjà songé, c'était un fait, mais ses options de sortie étaient maigres. Si la jeune femme venait à fuir, que ferait-elle ensuite? Ce fut d'ailleurs la première pensée qui lui vint à l'esprit en ce réveillant ce matin là. Bientôt, elle le savait, sa cloche allait sonner, on allait lui attribuer multitudes de tâches, impossibles à réaliser en une seule journée, elle allait devoir se soumettre, comme elle le faisait depuis 22 ans. A vrai dire, jamais la belle rousse n'avait tenter de s'opposer aux Ferenbach, elle ne se souvenait que trop bien de ses quelques erreurs brutalement punies à coup de martinet ou parfois d'une pluie de gifles. Kaela avait cru un jour que le Docteur allait finir par la tuer, tant il la ruait de coup, c'aurait été un soulagement, mais il n'en fit rien.

Kaela serra les poings sous ses draps qui n'étaient certainement pas fait de soie, elle se redressa, le corps endoloris et tourna son visage pour laisser celui-ci profiter de la lumière qui entrait à peine dans sa chambre. Elle voulait partir, elle en avait assez. Assez de baisser la tête, de refréner cette envie de vivre, de découvrir ce que signifiait réellement ce mot. Elle voulait par dessus tout s'instruire, découvrir la littérature,  la musique, les chiffres, comprendre ce monde qui l'entourait au lieu de le subir. Mais elle savait aussi qu'aujourd'hui non plus, elle ne ferait rien. Elle n'était pas courageuse, elle ne savait pas quels étaient ses droits, les Ferenbach s'étaient assuré de cela: en empêchant la jeune femme de s'instruire, ils assuraient sa docilité et sa soumission. Elle se sentait piégée, laissée pour compte dans ce foyer qui n'était pas, et ne serait jamais, le sien.